« Chien du Heaume » est un roman d’une grande humanité. Une merveille épique mais intimiste, brutale et pourtant sensible.
Mise en Bouche : Chien du Heaume est son surnom. Mot hérité sur les champs de bataille, taillé au fil de sa hache. Mercenaire en quête de son véritable nom. Chien est une femme solide dont la quête sera parsemée de gueules cassées et de coeurs fendus qui toucheront son existence.
Merci à Justine Niogret de nous offrir une héroïne si extraordinaire ! Enfin une véritable femme qui piétine cette idée stupide de sexe faible. Je ne parle pas ici de fausses féministes french-manucurées qui gueulent « girl power » avant de se cuisiner de bons petits cupcakes. Ni de carpes insipides qui attendent dans leur bocal que le mâle daigne s’intéresser à elles (à la Twilight). Non, certainement pas.
Chien est une guerrière. Une abimée de la vie qui ne connaît que la voix de l’acier. Aucun gant de velours n’habille sa main rude. Elle se dit laide et fuit l’élégance. Mais Chien n’est surement pas un « garçon manqué » (je décapite celui qui prétend le contraire !). Chien est simplement une femme libre. Elle taille seule sa place et refuse de vivre dans un monde d’homme. Car oui, la féminité n’est pas délicatesse et parfum aux roses. La femme n’a pas forcément un instinct maternel ou une sensibilité exacerbée. Pour le moment, on nous martèle tellement avec ces conneries que même les concernées ne distinguent plus le vrai du faux. Enfin bref, apparte féministe terminé. Chien, elle, s’est fait à l’égal de l’homme de son monde.
Chien est aussi admirable par son humilité. Elle se sait laide, grossière, mais surtout atypique. Elle n’en tire aucune fierté, elle est consciente de sa « vulgarité ». Elle se contente de survivre et de chercher son existence. Chien est profondément humaine et réelle.
Un monde païen
Ce roman dépeint un monde brutal où rien n’est dissimulé au lecteur. Chaque poignée de terre arrachée révèle ses pétales de rose et sa merde. La vérité est ainsi faite. Elle paraitra surement hideuse pour les biens pensants, ceux qui refusent de voir le purin. Elle y gagnera en beauté pour les autres. Car évidemment, dans un monde sans masques ni atours, l’authenticité caractérise les coeurs qui y vivent. On y rencontre des erres écorchés à vif et dépourvus de nos gardes fous. Leurs émotions sont brutes, accompagnées de foutre, de sang et de sueur. Les poignées de mains sont crasseuses et les mots cruels. En fait, c’est une mise à nu de l’Homme. Son essentiel brutal, puant, amant, rêveur et tueur qui nous saute à la gueule. On peut dire que l’ « Ancien Monde » hante ces pages. Celui d’avant les moinillons du Nazarethéen, qui pousseront l’homme à haïr sa chair. Avant qu’ils ne le transforment en pêcheur et restreigne sa libre expression. Avant qu’ils ne laissent à la femme que les seconds rôles. Plus précisément, c’est cette période de transition que l’auteur nous dépeint avec beaucoup de subtilité.
Langue de miel et voix du fer
Une autre merveille de ce livre est son style. Justine Niogret utilise une langue à la fois moderne et un vocabulaire moyen-âgeux. Les mots sont truculents et pleins de gouaille. Mais la lecture reste claire, une liqueur sans gueule de bois en somme. Le ton du livre est résolument sérieux, sobre. Par contre, il se termine par un « petit lexique à l’usage des étrangers aux armes, armures et pièces d’équipement médiévaux ». Et là, surprise, nouveau style, plus léger, humoristique et toujours aussi excellent.
Ouaip…Y a pas à dire, les auteurs comme Justine Niogret sont les raisons pour lesquels j’adore cette littérature.
Illustration :
– La couverture poche a été réalisé par Johan Camou (Bandini): http://bandiniland.unblog.fr/ .
– La couverture de l’édition Mnemos par Johann Bodin : http://yozart.blogspot.be/