Monstres et Merveilles


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« Haut-Royaume » – Tome 1 : « Le Chevalier » de Pierre Pevel

Un roman captivant malgré un style peu coloré et des personnages parfois légers

Couverture du premier tome de "Haut-Royaume

Couverture du premier tome de « Haut-Royaume »

Mise en bouche : Lorn Askàrian est un des plus loyaux chevaliers du Haut-Royaume. Promis à la fille du duc de Sarme et Vallence, ami du prince, Lorn est voué à un avenir brillant. Mais la roue tourne et écrase aisément la moindre des certitudes. Accusé de haute trahison envers la couronne, le chevalier est mis aux fers dans les cachots de Dalroth, l’île forteresse. Cette prison est un reliquat de guerres anciennes contre les armées du dragon d’Ombre et d’Oubli. Pour cette raison, elle est hantée par l’Obscure : une sombre force qui insuffle des terreurs et des obsessions malsaines, au point de pousser les hommes dans les gouffres de la folie. Rare y sont les survivants. Et pourtant, trois ans plus tard, le Haut-Roi envoie un ordre de libération. Lorn Askariàn est gracié et mystérieusement rappelé à ses côtés. Mais cet homme brisé n’est plus que l’ombre du jeune chevalier de jadis. On raconte qu’il serait à jamais corrompu par le pouvoir de l’Obscure.

Avec „Haut-Royaume”, Pierre Pevel s’inscrit clairement dans la tradition des grandes suites romanesques. Cette tradition consiste en une série de romans qui conte l’histoire d’un univers, d’un royaume, d’une famille, parfois sur plusieurs générations. Pas neuf comme concept, vous me direz. En effet, j’ajouterais même qu’il s’agit d’une véritable institution en fantasy : „l’assassin royal”, „le disque-monde”, „les chroniques de Krondor” ou encore „le trône de fer”. Cependant, l’inspiration du „Haut-royaume” puise davantage dans les grandes sagas historiques telles que l’oeuvre de Maurice Druon „Les rois maudits” ou plus récemment „les piliers de la terre” de Ken Follet. L’intention est donc de proposer un royaume à la magie discrète qui foisonne d’intrigues politiques, de clans et de personnages. Un point commun qu’il partage avec la série de G.R.R Martin. Lorsque l’on évoque les grandes sagas, force est d’admettre que les romans anglo-saxons ont tendance à dominer. Pour cette raison, je trouve cette initiative de Bragelonne et de Pierre Pevel assez audacieuse. D’autant plus, que „Haut-royaume” n’est pas une copie française du „Trône de fer« . Le roman propose une dynamique bien différente.

Beltenebros

Le Chevalier” se concentre sur l’histoire de Lorn Askariàn, paladin maudit marqué par le pouvoir de l’Obscure. Entre anti-héros et héros, il s’insère dans la lignée des protagonistes taciturnes. Lorn parait, au premier abord, comme le héros romantique, torturé entre l’appel de l’ombre et sa loyauté au Haut-Royaume. Dans la première moitié du livre, cette force qui le ronge laisse un goût fade de déjà-vu, d’archétype. Son silence et ses crises de violences ne le rendent pas si menaçant mais simplement plus opaque. Par la suite, j’admets que sa morale se complexifie et surprend le lecteur. Mais, je n’ai pas eu assez d’éléments pour ressentir l’humanité du héros ou de l’empathie pour lui. Et pourtant, le chevalier est le personnage le plus développé du roman. Beaucoup de rôles secondaires m’ont rapidement séduit comme Vahrd, le forgeron royal réprouvé ou encore sa fille Naé, révolutionnaire idéaliste, voire Dwain le colossal galérien roux au passé trouble… Malheureusement, on ne s’y attarde pas assez. De fait, l’auteur s’appesantit peu sur les histoires personnelles, les ressentis, les vécus. Les dialogues ou pensées servent essentiellement l’aspect factuel du récit. En agissant ainsi, je pense que Pierre Pevel a voulu protéger son intrigue. Le lecteur, ignorant la nature des personnages, ne comprend pas tous les tenants et aboutissants. Ainsi, l’effet de surprise des révélations et retournements de situation restent intactes. En fait, on sent que Pierre Pevel nous cache le véritable héros de l’histoire : le Haut-Royaume. Malheureusement, les informations concernant cette contrée sont tellement distillées que j’ai été frustré par la mythologie trop peu consistante. Peut-être, est-ce l’intention de départ, de créer une série au long cours, qui provoque cet effet. Du coup, je suis certain que Pevel garde jalousement tout son background encyclopédique pour mieux nous tenir en haleine au cours de sa „beaucouplogie”.

Malgré ces manques, j’ai apprécié ma lecture. La trame du récit constitue l’atout de ce premier tome. La curiosité du lecteur est ménagée avec intelligence. Plus le récit avance, plus on est captivé par le destin du haut-royaume. Si bien que la fin du roman nous abandonne impatient et avide d’un second tome. Certaines scènes entretiennent un suspens haletant : chasse à l’homme, bastion pris d’assaut, intrigues politiques, trahisons… Pevel a l’art de nous piéger dans ses filets. Petite bémol, je trouve que la forme manque légèrement de couleurs ou de lyrisme. Celle-ci sert le fond de l’histoire et se permet trop rarement de digressions philosophiques ou esthétiques.

Même si j’insiste sur les manques, j’ai dévoré le roman et je lirais sa suite sans hésitation.

Bragelonne a mis le paquet dans sa campagne de communication autour du roman. Bannières, annonces sur les réseaux sociaux, fête de lancement... On ne lésine jamais sur les moyens chez Bragelonne

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Illustrations et liens :

Didier Graffet : Didier Graffet est un illustrateur français qui travaille autour du thème « mondes et voyages ». Son oeuvre ne se limite pas à la fantasy classique. Il illustre autant l’univers de Jules Vernes que celui d’Arthur.

Son site

Interview de Pierre Pevel chez Bragelonne

 Interview de Pierre Pevel