Monstres et Merveilles


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« Le cycle d’Elric  » tomes 1 et 2 de Michael Moorcock

Une prose lourde et parfois ennuyeuse. Mais un univers singulier et lyrique qui promet de belles choses pour la suite du cycle.

Tome 1 : Elric des dragons

Mise en bouche : Elric règne sur Melniboné, un antique empire insulaire. Cet Empereur, albinos faible et dépendant de potions, ne supporte plus les vieilles traditions de son peuple. Poussé par ses idées humanistes, Elric affronte la réprobation de sa cour, et principalement celle d’Yrkoon, son cousin. Ce dernier est par ailleurs prêt à tout pour usurper le trône. De plus, la capitale est sous le joug de pirates venant du continent. Une menace supplémentaire qui risque de bouleverser la destinée d’Elric.

Le Cycle d’Elric de Michael Moorcock est considéré comme un classique de la fantasy. Ecrit dans les années 70, les romans décrivent un univers sombre et mystérieux. Cette oeuvre doit certainement son succès à son héros, Elric. Il s’agit d’un gringalet, albinos, drogué, torturé par ses choix. Bref, une antithèse du héros musculeux gorgé de force morale. A défaut de sourire Colgate et d’abdominaux chocolatés, le lecteur rencontre plutôt un personnage romantique et tourmenté.

Les premiers pas dans cet Univers sont assez douloureux. Je me suis vite embourbé dans les premiers chapitres car l’écriture est lourde. Les phrases prennent des allures de paragraphes. La syntaxe tarabiscotée ressemble à une énigme. Le vocabulaire vieillot garde le petit doigt en l’air. De plus, l’intrigue avance lentement. De longs passages paraissent vides ; les personnages semblent dialoguer en écho. J’ai parfois eu l’impression que, hésitant, l’auteur ne sait pas très bien où il nous emmène. Bref, j’ai soupiré en regardant ma montre.

Elric et sa cour

Excepté Elric, les personnages sont assez archétypaux. Lointains et formatés comme certains héros de contes, ils manquent d’humanité. Cela vient peut-être du ton très emprunté, peu naturel. Quant à Elric, il est très inconstant. Tantôt Moorcock le montre comme un érudit humaniste, tantôt comme un monarque impitoyable. Mais le contraste entre ces deux facettes manque de subtilité à mon goût. Probablement que l’auteur cherche à doter Elric d’une aura romantique, tourmentée. Mais, j’ai malgré tout l’impression, dans ce premier roman, que cette ambiguïté découle plutôt de l’hésitation même de l’écrivain.

Elric selon Robert Gould

Elric est un albinos faiblard. Loin d’être une armoire à glace, il échoue autant sur le plan physique que psychologique. Le jeune homme parvient difficilement à maitriser ses pulsions et devient, malgré lui, jouet de forces supérieures. Conscient de ce problème, ce souverain devient obsédé par le contrôle de lui-même. Replacé en son contexte (70’s), cet aspect d’Elric est très novateur. De nombreuses oeuvres de Fantasy s’inscrivent dans cette traditionJ’ai vu Elric des dragons comme une parabole. Elric, l’anomalie, incarne la critique d’une pensée consanguine. Il se rebelle face à un royaume pourri, dépravé, réactionnaire. C’est là que se situe l’ambiguïté du personnage. En effet, il est à la fois victime de cette dépravation, héritier de cette tradition et graine de changement.

Donc, même si j’ai trouvé peu de plaisir dans la lecture, celle-ci promet de belles choses pour la suite du cycle.

Tome 2 : la forteresse de la perle


Mise en bouche : Au gré de ses errances, loin de sa Melniboné natale, Elric est sauvé de justesse du désert des soupirs. Il recouvre ses forces chez un noble de la cité de Quarzhasaat grâce à un étrange breuvage. Mais cette mixture se révèle l’instrument d’un chantage. Il s’agit d’une drogue dont l’effet de manque entrainerait Elric dans la mort. Le seigneur lui promet l’antidote en échange d’une perle mythique caché aux confins du désert. Une quête qui l’emmènera au coeur du pays des rêves.

Dans ce deuxième roman, une mythologie beaucoup plus complexe se met en place. En effet, Elric rencontre un «voleur de rêve» qui lui transmet sa connaissance du multivers. Ce concept correspond à une autre création originale de Moorcock. L’auteur imagine que le monde d’Elric n’est qu’une fibre d’un tissu supérieur : le multivers. Plusieurs univers sont liés entre eux par des sortes de connexions spirituels. L’individu est capable de voyager entre ces univers par son esprit, par le pays du rêve. J’ai été surpris par cette direction que prend le récit, nettement plus abstraite et lyrique. Même si le texte garde sa lourdeur par moments, il développe une réflexion inattendue sur les apparences, la réalité, les rêves.

Comme dans « Elric des dragons », Moorcock renforce son éloge du progrès, de la mixité, du nomadisme. Une thématique récurrente qui s’avère très agréable dans le cycle. En outre, l’auteur traite l’éthique d’une manière originale et intelligente. Il n’est pas question de bien ou de mal mais plutôt de Loi et de Chaos. En effet, le monde est déchiré entre la prudence excessive (loi) et l’émotion débridée (chaos). A nouveau, une invention qui inspirera de nombreux écrivains de Fantasy.

Le problème que j’ai encore rencontré dans ce roman, c’est la longueur et la vacuité de certains passages. Quelques chapitres sont très ennuyeux.

Illustrations :

– Les illustrations des éditions pocket sont l’oeuvre de Marc Morenohttp://marc-moreno.cgsociety.org/gallery/

Robert Gould est un illustrateur célèbre d’Elric. Il a créé la compagnie Imaginosis, qui a produit de multiples ouvrages, notamment ceux de Brian Froud