Monstres et Merveilles


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« Le Hobbit annoté » de John Ronald Reuel Tolkien

« Le hobbit annoté » permet de découvrir le Hobbit originel des années 30, bien avant l’interprétation de Peter Jackson. Sorte d’analyse littéraire, cette nouvelle édition est propice à la relecture.

Mise en bouche : « Dans un trou vivait un Hobbit ». Ce Hobbit, le cher Bilbo Bessac, n’appréciait pas particulièrement les aventures imprévisibles. Et pourtant, un drôle de magicien et une bande de nains bougons débarquent dans son quotidien. Cette drôle de clique engage Bilbo dans une fantastique aventure en quête d’un trésor fabuleux gardé par le féroce dragon Smaug.

Les éditions Bourgois ont édité une nouvelle version de « The Hobbit » : « Le hobbit annoté ». Bien évidemment, cette parution profite de l’effervescence médiatique autour de la nouvelle trilogie de Peter Jackson. Mais, même si il existe une intention marketing, « Le hobbit annoté » permet bien au contraire de découvrir le Hobbit des années 30, loin de l’interprétation de Peter Jackson ou celle d’Alan Lee. Outre la nouvelle traduction de Mr Lauzon, les marges sont truffées d’annotations. Ces dernières ont été écrites par Douglas A. Anderson, spécialiste de l’oeuvre de Tolkien. Avant de parler de ce nouvel objet, un petit « aller et retour » dans l’univers du  Hobbit.

Manichéisme ?

« The Trolls » par J.R.R. Tolkien

 Est-il encore utile de rappeler que Tolkien était un universitaire ? Professeur philologue, il vouait un culte aux oeuvres anciennes. Par conséquent, il détestait le travail de Walt Disney. Selon Tolkien, les films d’animations du moustachu pillait le répertoire classique pour viser le grand public. Tout le monde garde en mémoire Blanche-neige nunuche et autres « gentils » édulcorés. Bref, aux yeux de Tolkien, cette utilisation commerciale du merveilleux vulgarisait ce répertoire dans la mémoire collective. Sans pour autant nier sa singularité, « The Hobbit » se montre donc davantage fidèle à ces récits primaires que l’auteur affectionne. En effet, l’histoire baigne dans ces embruns mystérieux et sombres propres aux contes et légendes. Même si le ton reste bon enfant, l’auteur n’hésite pas à doter ses personnages d’une aura menaçante. La violence n’y est, par ailleurs, jamais exclue. Bilbo, Gandalf et les nains n’incarnent certainement pas la perfection. Profondément « humains », ils peuvent se montrer lâches ou très égoïstes. Tout comme dans le Seigneur des anneaux, les protagonistes oscillent parfois à la frontière de la vertu. Mais que l’on ne se trompe pas, l’inspiration de Tolkien réside surtout dans les grandes épopées nordiques. Il nous parle évidemment d’héroïsme et d’aventures. Dans ses écrits, le lecteur voyage dans une atmosphère magique, propice à une lecture d’hiver, au coin du feu.

Roman jeunesse ?

« The Hall of Bag-End » par J.R.R. Tolkien

Le hobbit n’est pas pour autant un roman adulte. C’est un récit positif, parfois comique, avec une intrigue simple. Mais cette étiquette de « livre pour enfants » qu’on lui a apposé me parait toutefois assez réductrice (enfin, surtout dans les années 30-40, maintenant il est vu principalement comme un « classique »). Pour ma part, j’ai plutôt l’impression qu’il offre une double lecture. Les plus grands seront sensibles au lyrisme, à l’amour du mot, aux références plus pointus concernant l’univers (Histoire, généalogie…). Des éléments qui pourraient échapper à un jeune public (quoique). En fait, je suis convaincu que c’est une histoire merveilleusement approprié pour une lecture du soir avec son enfant. La prose n’est peut-être pas toujours transparente, et certaines choses passeront mieux à travers la voix d’un adulte. Je dirais donc un roman pour « parents-enfants ». Tolkien lui-même était convaincu que l’on sous-estimait grandement les petiots. Il prônait une littérature riche et rejetait toutes formes de niaiseries abrutissantes.

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La nouvelle version des Editions Bourgois

Alors qu’en est-il de cette nouvelle publication du Hobbit ? Personnellement, je possédais une ancienne version du même éditeur, celle de 1995 avec la traduction de Ledoux. J’ai comparé de temps en temps les deux lectures. Pour moi, c’est évident, la récente traduction de Mr. Lauzon est beaucoup plus agréable à lire.

Celle-ci est beaucoup moins littérale, « mot à mot », mais davantage littéraire. Cela se marque beaucoup dans les chants ou poèmes. Le traducteur a pris soin de transmettre le sens mais aussi le lyrisme des parties en vers. En bref, le vocabulaire et les constructions me semblent moins lourdes et plus modernes. De plus la nouvelle traduction est corrigée et prend en compte la volonté de Tolkien. Il avait en effet, rédigé des notes pour guider les traducteurs.

Bilbo « annoté »

Dans les annotations, on trouve énormément de réflexions qui permettent d’aborder l’oeuvre avec un regard plus critique. La partie centrale est réservée au texte, les marges servent aux annotations et illustrations. Certains n’aimeront peut-être pas cette mise en page, mais, pour ma part, je l’ai trouvé aérée. On y trouve des anecdotes d’écritures, les inspirations de tel passage ou tel personnage, des liens avec « The Lord of the rings »… Je vous conseille de ne pas les lire systématiquement en regard du texte, cela casse un peu le rythme de lecture. Il est plutôt préférable de les parcourir de temps en temps ou en fin de chapitre.

Une grosse introduction raconte en détails l’élaboration du roman, les inspirations, les éléments biographiques, la réception etc… Et une annexe comprend « Le récit d’Erebor », c’est à dire le récit que Gandalf fait de son expédition avec Bilbo, établissant ainsi un lien avec Le Seigneur des anneaux.

Bref, je ne pense pas que cette nouvelle traduction soit vraiment indispensable. Surtout si vous ne faites qu’un aller et retour en terre du milieu. Mais le roman est clairement plus agréable, très fin et évidemment plus complet dans cette version. C’est un peu plus qu’un roman, c’est aussi une sorte d’analyse littéraire. C’est un objet qui est plus propice à la relecture.