Monstres et Merveilles


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« La Chasse Sauvage du Colonel Rels » d’ Armand Cabasson

 Des nouvelles assez peu consistantes où la fantasy n’est ni franchement assumée, ni très originale.

Illustration de Lasth (ActuSF)

Illustration de Lasth (ActuSF)

Pour cette rentrée littéraire, les Indés de l’Imaginaire célèbre la Fantasy française au travers de trois grosses sorties : « Mordred » de Niogret, « Même pas Mort » de Jaworski et « La Chasse Sauvage du Colonel Rels » de Armand Cabasson. Autant l’amateur d’imaginaire bave très probablement d’envie à l’annonce des deux premiers titres, autant le dernier le laissera certainement perplexe. « Cabasson ? Euh.. Qui est-ce ? ». Et bien, il s’agit d’un auteur de nouvelles et de romans policiers historique ( aussi connu sous le pseudonyme de Jack Ayston). Une première incursion en Fantasy donc. Un nouvel auteur, qui semble plaire tant à ActuSF que la maison d’édition l’utilise pour lancer la rentrée du collectif. Intriguant n’est-ce pas ? D’autant plus qu’il est associé à deux des auteurs français les plus marquants de ces 4 dernières années.

« La Chasse Sauvage du Colonel Rels » est un recueil de 9 nouvelles qui mêlent Histoire et imaginaire. « 1348 », par exemple, raconte la conquête de Londres par le Roi Peste. Les rues de la capitale deviennent ainsi le théâtre burlesque du chaos et de la débauche. Une autre histoire concerne « Giacomo Mandeli », un peintre italien de la renaissance loué pour son talent à représenter le vrai. Réquisitionné par l’inquisition espagnole, il est contraint de peindre le visage du diable. Enfin, des nouvelles comme « L’héritage » et « Les chuchotements de la lune » se déroulent dans le japon belliqueux des Samouraïs au XVIème siècle. La Russie, l’Irlande, les États-Unis sont autant de destinations proposées par l’auteur.

« Peu importe le flacon .. »

Les Indés de l'Imaginaire (ActuSF, Les Moutons Électriques, Mnemos)

Les Indés de l’Imaginaire (ActuSF, Les Moutons Électriques, Mnemos)

Selon l’éditeur ActuSF, Armand Cabasson propose des nouvelles où « la fantasy se perd dans les méandres de l’Histoire… ». Or, la première chose intrigante est justement la quasi-absence de Fantasy. Non seulement les éléments surnaturels sont rares, mais en plus le lecteur hésite quant à leurs existences. Véritable minotaure ou homme défiguré ? Pouvoir divin ou simple concours de circonstances ? Cela ressemble davantage à une rencontre entre Fantastique et Histoire. Même si les étiquettes sont bien loin d’être la panacée, il faut bien avouer qu’il s’agit d’un choix étrange pour affirmer une « Fantasy française ». Mais bon, le genre d’un ouvrage importe peu pour apprécier un roman.

Cependant, l’ivresse n’est pas au rendez-vous. Les nouvelles sont peu approfondies. Elle donnent, parfois, la sensation de lire des extraits de romans inexploités. Elles se bornent à des descriptions de courtes « scènes » sans intrigue construite. Déjà, Six des neuf nouvelles accordent une place importante (voir unique) aux combats. Du coup, cette récurrence a tendance à lasser. A force, de lire des ordres de batailles et des explications de formations, l’envie est forte de refermer le livre. Ensuite, les fins sont abruptes et mal amenées. Par moments, on tourne la page et on est surpris d’y voir inscrit le mot « fin ». Et justement, le lecteur y reste, sur sa faim. Certaines conclusions ont des allures de pétards mouillés. Si ces vides sont intentionnels, pour laisser plus de place à l’imagination du lecteur par exemple, je trouve l’expérience ratée. Enfin, le recueil manque d’originalité. La Fantasy aurait certainement pu s’attaquer de manière beaucoup plus franche à l’Histoire.

Heureusement trois nouvelles sortent du lot : « Giacomo Mandeli », « Saint Basile le Victorieux » et surtout « Le minotaure de Fort Bull » (par ailleurs, assez mal illustrée par la couverture). Pour le coup, cette dernière est surprenante et haletante. Elle nous raconte le siège d’un fortin sudiste vu par son général, un type défiguré, semblable à un minotaure sur son bout de forteresse. Un suspens prenant couplé à une jolie réflexion sur l’humanité et le monstrueux. De plus, Armand Cabasson utilise de manière intelligente l’histoire des soldats noirs nordistes lors de la guerre civile américaine. J’ai beaucoup apprécié.

Mais de manière générale, le recueil ne m’a paru ni très assumé, ni très original. Ce sont des petites histoires sympathiques pour certaines, mais qui ne méritent pas, d’après moi, sa place de fer de lance dans le catalogue du collectif des Indés de l’Imaginaire. Peu importe le flacon, certes… Sauf évidemment, lorsqu’on reste désespérément sobre.

Pour en savoir plus :

L’auteur de la couverture, Lasth, est dessinateur de bande dessinée et illustrateurs de plusieurs couvertures (entre autres « Butcher Bird »). Son dessin est sombre, tout en contraste. Très belle gallerie à visiter sur son site.